À la mémoire de Mimi-Câlin

Avant de le rencontrer, j’avais rêvé de ces attendrissants petits êtres joyeux et très doux. La première fois, de toute ma hauteur, je l’ai simplement trouvé beau : sa robe était à la fois nuancée et nette comme celle des siamois, avec toutefois, le poil plus long et plus moelleux.

Je n’ai jamais rien su de ses premiers mois d’existence ni de la façon dont il était venu adopter sa famille humaine.

Un jour, j’ai dû recueillir le vieux chat ; avec son poids dans le panier, j’ai senti tout à la fois peser ma responsabilité ainsi que la pression de la tendresse dans mon ventre et ma poitrine.

Journal des derniers jours.

12-12-2014 Il est là tout près au moment où j’écris. Je l’entends ronronner. Des ronrons calmes et rythmés. Peut-être aime-t-il aussi sans inquiétude ? Tout à l’heure quand je suis rentrée, un peu tard, je savais que je le reverrai vivant. Il est venu à ma rencontre et j’avais deviné qu’il avait encore l’espérance d’un peu de nourriture. Maintenant, il est couché, sa joue sur ma main. Il va falloir que je le dérange… aller me coucher. Il viendra peut-être… Quand la fin du bonheur s’approche : être heureux encore !

19-12-2014 Maintenant, c’est la dernière nuit. Il est très tard. C’est aussi le début du dernier jour, la fin du calvaire de ses intestins, de sa bouche. Depuis trois jours, il ne mange plus et refuse même de boire. Je le vois souffrir et se reposer. Je pressens qu’il ne veut pas être touché : j’ose à peine quelques caresses légères. Je souffre d’un autre mal que le sien, mais je souffre par son mal. Il respire : son souffle lui garantit la tiédeur de son corps. J’évite de faire du bruit : ne pas le déranger de crainte de réveiller la douleur tapie dans son corps.

Tout à l’heure, j’irai au plus tôt chez le vétérinaire… Seule, dans ma chambre, il faut que je me lève… le regarder dormir… Une présence sans paroles, une pure présence… la gorge se rétrécit, les mâchoires se paralysent devant le vertige du vide à venir. Par ce temps tiède et pluvieux de la toute fin d’automne, je grelotte d’angoisse.

La phrase la plus triste de la langue française : « Aujourd’hui le petit chat est mort » Tu es mort calmement, mon petit chat chéri, sage, comme à toutes les fois, sur la table métallique du vétérinaire. Tu t’es endormi de deux sommeils différents et voilà que mon cœur s’élargit jusqu’à me faire mal. L’appartement me paraît avoir changé de dimensions, maintenant que tu n’es plus là pour assurer les repères. Je sais que j’aurai des sortes d’hallucinations : déjà, j’ai cru te voir t’avancer vers moi à côté de mon sac. Je sais que je n’ai plus à craindre de te faire peur avec la musique aiguë et crescendo du téléphone portable.

Je me souviens de nos câlins. Entre tes deux oreilles, un petit espace était réservé à la culture des baisers, des baisers parfumés au foin et au thé de Chine.

Nicole