PLANCHE FOLLE, ESCORTÉ DES HIPPOCAMPES NOIRS, Cette PLANCHE brisée vogue sur l’eau furieuse. La PLANCHE tendre gonfle dans le sel marin, Cette planche pourrie qu’ébrécha le roc dur, Bois tendre qu’assembla le charpentier adroit. Le flot âpre a gonflé sa fibre dilatée, Son vernis mat que ronge un sel impitoyable, Enduit terni, qu’érodent les embruns marins. Le mât brisé s’incline sous les vents violents. Ce mât verni s’est écroulé, rameau fragile, Ce pieu brisé se courbe jusqu’au pont souillé, Le gréement mou s’incline et un filin cassé, Cordage flasque, ondule au vent impétueux, Le chanvre torsadé ballotte à coups violents. Le rafiot flottant vogue au soleil éclatant, Rafiot désorienté, il va, quille rompue, Débris flottant qui tremble, aux avirons pendants. Miracle étrange, il vogue, objet indestructible, Son drapeau déchiré brave un soleil trop fort, Lambeau troué qui bat sur un rythme éclatant. De la poupe percée s’enfuit une eau saumâtre, La poupe crevée croule sous la vague épaisse, Le flanc percé engouffre des lames terribles, Des sabords entrouverts, s’enfuit la mousse sale, La chaîne décrochée clapote dans l’eau verte, Dans la cale sonore enfle un remous saumâtre. Le vaisseau vide court sous l’ouragan furieux, Vaisseau muet qui force le gouffre invisible, Coquille vide qui s’affronte aux brisants pâles, Rôdeur nomade, il court vers une anse ignorée. Sans peur, hardi, il nargue l’ouragan funeste : Sa proue aiguë échappe aux maelstroms furieux. L’écume FOLLE meurt sur la plage déserte, L’écume amère danse sous la coque creuse, L’écume floconneuse adhère aux lattes minces, Flocons amers, se dissipant en essaims vagues, Paquets tremblants, qui dansent dans l’espace immense. Le roulis régulier secoue la coque ferme, Le sapin vigoureux arque son ventre creux. L’étrave FOLLE fend la houle démontée, L’étrave ornée attaque une montagne fluide : Quel défi fou ! Elle ose la rampe insensée, Et de son soc puissant fendant la pente abrupte, Labour nouveau, ouvre la houle déchaînée, Sillon caduc qu’efface un enfer démonté. Un bois ancien mourrait sous l’orage acharné, Mais ce bois entêté résiste à la pluie dense. Sa force ancienne avive la charpente rude, L’averse fine meurt sans effet inquiétant. La neige drue se mêle à l’orage glacé ? La nef stoïque tient, d’un effort acharné. Le flux énorme creuse la plage noyée, Ce flux salé inonde des isthmes lointains, Un léviathan énorme a surgi, l’œil féroce, Et sa langue affamée creuse la grève usée. Le ressac incessant fouille la plage blonde, Et le sable pur fuit loin des îles noyées. Le ciel pesant écrase l’océan désert, Ciel inconnu, où naissent les trombes mortelles, Les nuages pesants d’où choit la grêle froide. Le brouillard gris écrase l’esprit tourmenté, Et la brume impassible endort l’océan sourd. Le mirage trompeur règne en ces lieux déserts Un dauphin enjoué ESCORTE un voilier blanc, Un dauphin tapageur suit son sillage lent. Ce dauphin rieur plonge en gerbes chatoyantes. Son rire tapageur s’éteint, écho voilé, Sanglot navré qui suit les obsèques humaines. Un spectre blême observe ce sillage morne : L’âme abattue, il pleure, avec des larmes lentes. Nul marin enjoué ne chante un air joyeux. Les marins disparus ont péri, corps dissous, Nul pirate enjoué n’a dit les hymnes saints. Les mouettes tristes chantent leur refrain lugubre, Leur vol fantasque trace dans cet air brumeux La portée neuve qui affiche un deuil joyeux. Ces oiseaux clabaudeurs ESCORTENT l’esquif mort, Oiseaux fatals, ils tournent, d’une aile blasée, Fantômes clabaudeurs, ils rient, anges moqueurs, Leurs cris perçants escortent le convoi funèbre. Leurs brocards insolents raillent l’esquif poussif, Cérémonie impie, qui fête un rêve mort. La mort si proche guette le voilier perdu, La mort, placide, attend l’issue inéluctable. Le trépas, proche, vient, l’échouage final. Quel dieu mauvais le guette auprès des rochers ronds ? Son trajet sinueux rend le voilier instable, Chemin douteux qu’ignorent les cartes perdues. Dans le soir effrayant brillent des éclairs blancs. Le soir béni éclate en des lueurs blafardes, Et la lune effrayante vibre, or dépoli. Un astre éloigné brille dans l’éther gelé, Une comète errante émet un éclair bref, Signe augural qui lui promet une nuit blanche. Dans la mer chaude nage un HIPPOCAMPE bleu. La mer australe abrite des poissons chanteurs, Cette mer parfumée berce des serpents jaunes. La terre australe émerge des lagons bleutés, Des courants frais abritent des frissons fugaces, La nage vive qui trahit les poissons plats, La voix douce émanant des phosphores chanteurs. La côte chaude brûle sous l’azur torride, La côte moite étouffe de langueurs intimes, Le climat chaud produit des malaises furtifs, Les dunes sèches brûlent aux lidos malsains. Les papillons tournoient dans l’azur incendié, Le feu solaire embrase les aubes torrides. Un noyé pensif nage en gestes mesurés. Noyé rêveur, il sonde sa mémoire éteinte, Le cœur pensif, il baigne dans sa peau verdâtre, D’un bras fourbu, il nage, avec lenteur, atone, Son doigt difforme bouge en gestes indolents, Son pied flageolant marque un tempo mesuré. Dans l’onde salée dort l’HIPPOCAMPE secret, L’onde trouble recèle un Béhémot geignard, Des fleurs salées s’étiolent dans son souffle impur. La méduse perfide dort la gueule ouverte, L’algue brune maintient l’hippocampe assoupi, Un troupeau glauque file aux demeures secrètes. Le navire éventré heurte des glaciers bleus. Ce navire glorieux erre au pôle enneigé, Sa carcasse éventrée s’emplit de glace vierge. Barre arrachée, il heurte la banquise altière : Son côté droit, qui racle le glacier râpeux, Sous le choc douloureux déverse du sang bleu. Le bateau ivre coule auprès d’un ponton NOIR. Le bateau démâté roule sous le jour bas, Mais, bateau invincible, il garde le front haut. Entité démâtée, il dure, ardeur intacte, Ce voyageur vaillant roule aux bords incroyables. L’aurore rose lui annonce un jour meilleur : L’espoir tenace n’a jamais la tête basse. L’horizon ivre montre des récifs tordus, L’horizon opposé accourt, ligne ténue, En zigzag, ivre, il se déforme en traits brouillés. L’heure tardive montre un spectacle étonnant : Le littoral fumant cache un récif brûlant Dont le magma sanglant suinte en laves tordues. L’ancre lourde a coulé dans l’abîme profond. L’ancre libre bascule, en un élan sublime, L’acier lourd éclabousse la surface unie, En chute rectiligne, coule au fond vaseux : Le fer massif s’enterre dans l’abîme gras, Grappin dès lors captif, s’accroche au sol profond. L’épave frêle approche d’un ponton hideux, L’épave faible avance encore, agrès ballants. Squelette frêle, il flâne, en cercles paresseux, Du quai abject s’approche, innocent condamné : Sa blessure béante accoste au ponton vil, Son âme simple expire en un soupir hideux. Mais loin des golfes clairs triomphe un destin NOIR. Golfe africain, accueille l’écrivain fugueur ! Ce martyr clair délire en des mots insoumis. Le poète maudit triomphe, orgueil posthume, Son verbe cru surmonte le destin vaincu, Son poème fractal s’écrit à l’encre noire.
Bernard Maréchal, texte terminé le 7 juin 2023.
Texte écrit sous la contrainte dite du “pissenlit”, inventée par Noël Bernard :
Pissenlit Il s’agit d’écrire un texte selon une structure fractale. Chaque phrase comporte, dans l’ordre, un substantif, un adjectif, un verbe, un substantif et un adjectif : nommons les S1, A2, V3, S4, A5. Et chaque phrase possède cinq phrase filles : la fille 1 partage le même S1 ; la fille 2 le même A2, etc. Ces filiations sont matérialisées par les indentations du texte. Chaque S, A ou V est utilisé tout au long d’une chaîne de filiations, et en revanche ne figure nulle part ailleurs dans le texte. Pour être un vrai fractal, le processus devrait être infini. Dans la réalité l’auteur s’arrête au bout d’un nombre fini d’itérations : charge reste au lecteur de compléter à l’infini par son imaginaire.
Contrainte supplémentaire : des alexandrins.
Mais pas de contrainte de rime ! C'est déjà assez d'avoir emprunté un vers du Bateau Ivre...